RUI HACHIMURA : UN PROSPECT PAS COMME LES AUTRES

Le joueur :

« With the ninth pick in the 2019 NBA draft, the Washington Wizards select Rui Hachimura from Toyama, Japan and Gonzaga University ». Ainsi commença l’histoire entre Rui et la NBA, un choix qui ne faisait alors pas l’unanimité à travers les fans, les observateurs et tous les acteurs de la NBA en général. De fait, la plupart des personnes sur place et sur les réseaux sociaux furent étonnés de ce 9ème pick, tant Rui était annoncé plus bas par de nombreuses mocks draft, allant même jusqu’au 2ème tour pour certains avant de voir apparaître le nom du natif nippon. C’est donc sous un bruit de fond, marasme ambiant de quelques sifflets, de quelques applaudissements mais aussi beaucoup de stupéfaction que Rui pris la pose pour la traditionnelle photo aux côtés d’Adam Silver.

Crédits d’image : Bullets Forever

Né le 08 février 1998 d’une mère japonaise et d’un père béninois, le petit Rui a bien grandi : 2.03m (6’8’’) - 104kg (229 lb), l’ailier a de quoi faire parler sur un parquet.

Son parcours universitaire est tout à fait honorable. Il tourne en moyenne à 12.1 points et 4.4 rebonds avec les Bulldogs de Gonzaga avec qui il atteindra la finale du tournoi NCAA 2017 avec des joueurs comme Zach Collins ou Killian Tillie. Lors de sa saison universitaire 2018-2019, Hachimura est même élu meilleur joueur de la West Coast Conference.

Rui peut d’ores et déjà se targuer d’avoir un vécu international important. En août 2014, il participe au championnat du monde U17 où il terminera meilleur marqueur de la compétition, avec 22.6pts de moyenne. En juillet 2017, il prend part cette fois au championnat du monde U19 où il terminera 2ème meilleur marqueur (derrière un copain de draft, R.J Barrett) avec 20.6 points et 3ème meilleur rebondeur avec 11 rebonds par rencontre. Si le Japon ne se démarque dans aucune des compétitions, Rui fait déjà parler la poudre et il confirme son statut de (déjà) leader national à la coupe du monde 2019 avec un tournoi qui le fit découvrir un peu plus aux yeux du grand public. Il était alors fin prêt à en découdre sur les parquets de la grande ligue.

Son aventure naissante avec les Wizards sonne comme une douce romance, une éclaircie furtive dans le néant général de l’équipe. En effet, difficile de trouver satisfaction au sein de la capitale sur le plan sportif. 9ème de la conférence Est l’année passée, les problèmes et les rendez-vous à l’infirmerie s’accumulent du côté de DC, Rui ne dérogeant pas à la règle, bien aidé par… son propre coéquipier, Isaac Bonga. Avant ça, c’est une formidable première partie de saison que nous proposait Rui. Avec sa fluidité exceptionnelle pour son gabarit, il aligne les mid-range à en faire (presque) pâlir MJ. Sous le cercle, son efficacité est bonne, on aimerait tout de même qu’il écrase un peu plus le cercle plutôt que de se contenter de simples lay-up, témoignant sûrement d’un petit manque d’explosivité. A côté de ça, il est très efficace dans tous les compartiments du jeu. Tous ? Non, un irrésistible et vaillant shoot lointain résiste toujours à la palette offensive Hachimura. A peine 28.7% derrière l’arc la saison passée, sûrement sa plus grande faiblesse à l’heure actuelle, la faute à une courbe de tir un peu écrasée qui empêche notre Sophomore de se montrer dangereux de loin. Cependant, les premiers matchs de pré-saison laissent présager du mieux de ce point de vue. Malheureusement, c’est une conjonctivite qui va l’empêcher de prendre part aux premiers matchs de cette nouvelle saison, 3 semaines manifestement, en espérant que cela ne s’aggrave pas. Côté sportif sinon, de l’autre côté du terrain, on peut noter son importance aux rebonds, intéressant malgré sa taille, qu’il exploite au mieux avec un placement intéressant à chaque fois. Notons tout de même des difficultés sur sa capacité à se déplacer et à défendre latéralement, peut-être le point faible de sa palette défensive.

Au niveau des statistiques, Rui a proposé une des plus belles lignes de la cuvée 2020 : 13.5pts/6.1rbds/1.8asts (50%/28.7%/82.9%) en 30 minutes de temps de jeu. Il enfile les paniers comme des perles et propose un % (46.6) très intéressant pour sa saison Rookie (il prend peu de 3 points). Mais plus que des statistiques, c’est sa capacité à scorer sur n’importe qui ou presque à son poste qui est remarquable. 30 pions sur le duo des Clippers Leonard/George, rien que ça, ou encore 27 points contre la remarquable défense de Philadelphie l’année passée.

Si le joueur est efficace, l’homme est travailleur, à en écouter Scott Brooks pour « The Sports Junkies » : « Personne ne dira jamais rien de mal sur le gamin. J’ai parlé à beaucoup de personnes afin d’obtenir plus d’informations sur lui ces dernières semaines et tout le monde dit la même chose : Rui est incroyable, il travaille dur, tu vas aimer le coacher. […] C’est vraiment un bon joueur de basket, un incroyable coéquipier, j’ai parlé au coach de Gonzaga qui m’a dit : coach, c’est comme ci il avait été envoyé du paradis dans le vestiaire. C’est un de ces gars qui va se lever chaque matin à 6h pour s’entraîner, il a l’impression qu’il doit le faire sinon il ne passera pas une bonne journée. C’est le type de gars dont nous avons besoin. » Que d’éloges donc pour ce gamin humble, travailleur et reconnaissant envers le staff.

Cela étant dit, spécifions que Rui a déjà 22 ans, un vieux parmi les jeunes si on peut dire, dès lors quel est son plafond ? Quel poste peut-il occuper en culminant à 203cm en étant très moyen derrière l’arc ? Il oscille actuellement entre les postes 3 et 4 et Brooks nous a même proposé quelques séquences avec Rui en 5 au regard des nombreux blessés. Dans tous les cas, Rui ne sera peut-être jamais un Franchise Player mais il pourra avoir une très belle carrière NBA, apportant au scoring tous les soirs ou presque, il n’a pas peur de prendre les tirs (coucou Otto) et a totalement confiance en lui, de quoi prévoir un avenir radieux, pour le joueur du soleil levant.

Le phénomène marketing :

Si le joueur nous impressionne et nous surprend de plus en plus, une chose est certaine, ce n’est pas qu’à travers le parquet que le phénomène Hachimura se démarque.

D’un côté, nous avons le Japon, qui est historiquement tourné vers le baseball (fun fact : Rui veut littéralement dire « base de baseball » en Japonais), de l’autre, nous avons la NBA qui souhaite s’exporter partout dans le monde. Au milieu de tout ça ? Rui Hachimura. Forcément, un japonais sélectionné en 9ème position, ça fait parler de l’autre côté du Pacifique ! A peine drafté, Rui recevait déjà des messages de félicitations du gouvernement nippon, des citoyens japonais et des stars nationales comme Kei Nishikori ou Nobuaki Kaneko; après tout c’est quand même le premier japonais de l’histoire sélectionné au premier tour de la draft ! Pour preuve le Japan Times a contacté l’ambassadeur japonais des USA Shinsuke Sugiyama qui déclara : « Je suis très excité par le fait que Rui Hachimura vienne ici, à Washington et j’ai hâte de le regarder jouer. […] Je sais que sa présence ici contribuera à développer les liens sportifs et culturels solides entre le Japon et les Etats-Unis, en particulier avec les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo 2020 à l’été prochain. J’espère que son histoire inspirera les jeunes japonais à viser les plus hauts niveaux de réussite et à concourir sur la scène mondiale. » Pas mal, n’est-ce pas ? Mais ça ne s’arrête pas là, les campagnes de publicité affluent autour du Sophomore, Jordan Brand notamment, rien que ça. Au Japon, c’est le géant Nissin Foods qui proposa à Rui de faire campagne pour des noodles. Vous l’aurez compris, il y a un paquet d’argent en jeu et un marché extraordinaire qui s’offre à la NBA avec notre pépite.

Crédits photo : Kyodo News

En somme, Rui est un joueur intéressant, un homme remarquable à en lire les personnes qui croisent son chemin mais aussi un phénomène marketing démentiel. Tâche à lui de faire les bons choix de carrière et de se concentrer sur le sportif, car à la rédaction, on préfère quand même le voir en baskets !

Quentin – Wizards France